L'origine du foil

Dans cette partie, nous allons nous intéresser à l’origine du foil et son évolution, de sa première apparition au XIXème siècle jusqu’à nos jours. Cependant, il nous est impossible de faire une liste exhaustive de tous les prototypes et essais réalisés. Nous recensons ici ceux qui nous paraissent les plus importants, ceux qui ont marqué un tournant dans cette folle course au « bateau volant ».

C’est en 1861 avec le britannique Thomas Moy que l’hydrofoil apparaît pour la première fois. Il était membre de l’Aeronautical Society et, selon lui, il était plus facile et donc plus envisageable de faire voler un bateau qu’un avion. En installant trois foils sous un canot, il y parviendra de quelques centimètres. Malgré les critiques et la folie de ce projet visionnaire, d’autres scientifiques s’intéressent aussi à ces ailes profilées comme de Lambert en France ou Alexander Graham Bell aux États-Unis et multiplient les essais avec des moteurs à vapeur, à explosion ou tout simplement tractés par des chevaux.

En 1869, Emmanuel Farcot, un français, dépose le premier brevet. Il a construit un bateau, qui était beaucoup plus rapide grâce aux foils installés sur ce dernier.

En 1906, Enrico Forlanini conçoit le premier bateau qui sera appelé plus tard un hydroptère. Il était équipé d’un moteur de 60 chevaux qui actionnait deux hélices pneumatiques contrarotatives. L'embarcation a atteint une vitesse de pointe époustouflante de 68 km/h pendant les essais.

Une petite anecdote : en 1907 Santos-Dumont, encore un français, construit un trimaran équipé de 2 foils en échelle d'Hewitt. Il fait le pari que son bateau dépassera les 100 km/h avec une somme exorbitante mise en jeu de 50 000 F (7500 €). Comme pour le Français Emmanuel Farcot, on ne sait pas si son bateau a réussi à décoller. Mais nous savons qu’il a perdu son pari.

Jusqu’en 1912, les foils n’étaient installés que sur des bateaux assistés d’un moteur à cause de la nécessité d’une grande vitesse pour arriver à faire décoller l’embarcation. Graham Bell, victorieux par ses essais avec des bateaux à moteur, réalise Nancy, la première maquette navigante d’un hydroptère à voile.

C’est également lui qui a construit avec l’aide de Frederick W. Baldwin les foils sur un bateau de 60 pieds (18,3 mètres) qui ont établi le record du monde de vitesse sur l'eau (61.5 nœuds soit 114 km/h) en 1919.

1938 est une date très importante dans la course au « bateau volant ». En effet, Robert Gilruth, futur directeur de la Nasa, construit le Catafoil : le premier voilier équipé de foil à voler sur l'eau.

En 1950, Gordon Baker se lance dans le projet de commercialiser le premier voilier équipé de foil. Ce projet coûte très cher, il lui faut donc trouver des aides. L'US Navy accepte de le financer. Et après 17 ans de recherches et d'essais, Gordon Baker arrive à voler sur l'eau avec son voilier nommé Monitor. Le vol se réalise avec une stabilité très étonnante pour l'époque et réalise même un record de vitesse de 35 nœuds qui ne sera battu que 35 ans plus tard. Cependant, malgré le succès de son vol, la commercialisation ne parvient pas à se faire.

Comme expliqué précédemment, les prototypes de voiliers équipés de foil sans assistance motrice restent encore très rares. C'est donc par ceux équipés de moteurs que la technique du foil va s'améliorer.

Dès 1938, l'armée s'intéresse à ces ailes profilées. Le premier navire militaire équipé de foil est la Shell 1 Kriegsmarine. En 1960, la marine canadienne réalise le prototype d'un bateau pesant 200 tonnes et destiné à chasser les sous-marins soviétiques. Malheureusement, dû au coût exorbitant nécessaire à la construction de ce bateau le projet est abandonné. L’armée américaine, quant à elle, réussit à réaliser un hydroptère, le patrol hydrofoil Missileship. Il est considéré comme le prédécesseur du jetski.

De 1977 à 1993, l'armée américaine mit en service des hydroptères de patrouille d’attaque, les PHM Pegasus pouvant naviguer à 89 km/h. Ils servaient principalement lors des opérations de l’OTAN.

Les foils étaient utilisés pour des usages militaires mais aussi civils. En effet, à partir des années 50, le foil s’attaque aux transports de civils. Plus précisément, c’est en 1952 que le premier hydroptère commercial, le Supramar PT10 apparaît. Il peut transporter 32 passagers et se déplacer à 35 nœuds (65 km/h).

Depuis cette première apparition d’hydroptère spécialisé dans le transport civil, ces derniers ont bien évolué. En 2016, Liberty Line, une compagnie de navigation italienne a réussi à construire le plus gros hydroptère du monde, le Gianni M. Il mesure 38m de long et il est capable de transporter 350 passagers à une vitesse moyenne de 22 km/h. Il effectue les liaisons entre Milazzo et les îles Eoliennes.

Pour aller plus loin dans la partie transport voici ci-dessous un extrait de notre interview de Jean-Marc Lefèvre, un pratiquant très réputé de kitefoil :

Nous venons de voir à présent le développement des hydroptères principalement propulsés par des moteurs, exceptés deux : Nancy et le Catafoil. À partir des années 60, les connaissances et la technique du foil ayant bien été améliorées, les hydroptères à voile vont enfin se développer. En effet, Roland Tiercelin, ingénieur, va commencer à partir de 1962 à réaliser des maquettes d’hydroptères à voile de plus en plus perfectionnées. Une fois satisfait de son travail, il commercialise enfin en 1966 son hydroptère, le triplane. Il est classé dans la catégorie des multi non hauturiers.

En 1967, David Keiper est le premier à se lancer dans la navigation en haute mer avec un hydroptère (celui-ci classé dans la catégorie des multi hauturiers) exclusivement propulsé par la force du vent. Il navigue sur plus de 20 000 milles nautiques soit plus de 37 000 km avec son hydroptère nomme le williwaw.

L’hydrofoil promet alors un avenir encourageant dans l'ère de la navigation en haute mer. Mais également pour de nouveaux records de vitesse. En effet, en 1968, Éric Tabarly embarque sur son hydroptère trimaran, le Pen Duick IV et réussit à traverser l’Atlantique en 10 jours et 11 heures.

Grâce à ces génies et passionnés du foil, aujourd’hui, nous arrivons à de véritables « bêtes de courses ». En 2009, l’hydroptère (un hydroptère à la pointe de la technique conçu par Alain Thébault et son équipe) arrive enfin à battre le record de vitesse à la voile. Après un crash impressionnant en 2008 lors d’une tentative de record, ils arrivent le 4 septembre 2009 à naviguer sur 500 mètres (distance minimale pour établir un record) à une vitesse moyenne de 51,36 nœuds soit 95,12 km/h ! Ils auraient également fait une pointe à plus de 103 km/h !Voici un reportage sur le record de vitesse en foil de l'hydroptère :

Actuellement, c'est Alexandre Caizergues, ancien détenteur du record de vitesse à la voile qui le détient de nouveau avec une vitesse moyenne de 57,97 nœuds soit 107,36 km/h sur une distance de 501 mètres.